LE LAVOIR
Au centre du village, au bord de l’Iton qui le traverse, un lavoir regarde couler l’eau. Tous les bourgs qui ont la chance d’être plantés auprès d’un cours d’eau possèdent un lavoir municipal. Aujourd’hui, ils ne servent plus mais font partie du patrimoine de la commune et sont soigneusement entretenus, en souvenir des « lessives » d’autrefois.
Le lavoir est une petite construction en briques couverte d’ardoises. A l’intérieur, un plancher mobile peut descendre ou monter pour se placer au niveau de la rivière. Une crémaillère permet la manœuvre qui met la planche au ras de l’eau. Devant, à mi hauteur, une grosse barre de bois servait à poser le linge rincé qui s’égouttait en attendant d’être ramené à la maison.
On ne peut parler de lavoir sans évoquer les « lessives » d’autrefois. Les anciens et surtout les anciennes du village se souviennent. Dans les fermes la lessive était un moment important. On entassait le linge sale dans des coffres pendant plusieurs semaines selon l’importance du trousseau apporté par la mariée au jour de ses noces. La maîtresse de maison pouvait procéder à la lessive mais on préférait souvent faire appel à une « laveuse ». Autrefois c’était un petit métier comme celui des repasseuses et des couturières.
Un petit bâtiment de la ferme, s’appelait « buanderie ». Ce mot vient de « buée » et dans les temps anciens, « buer » signifiait faire la lessive. En cet endroit, la veille ou l’avant-veille de la lessive, le linge était mis à tremper dans des baquets de bois perchés sur des tréteaux à trois pieds. Le lendemain arrivait la laveuse qui pendant une journée ou deux, quelquefois trois savonnait, brossait, tordait le linge en séparant bien le blanc des couleurs. Quelques produits chimiques existaient déjà : le bleu pour donner plus d’éclat au linge et la « Rubigine » pour en effacer les taches de rouille.
Quand tout le linge était lavé, la lessive, proprement dite commençait. Au fond d’une très grande cuve en bois, la laveuse enfermait de la cendre de bois dans un drap spécial appelé « charrier ». La meilleure cendre était la cendre de pommier ou de poirier. Les autres faisaient des taches. Sur ce tas de cendres enfermées, le linge lavé était rangé pour être « lessivé ».
Pendant ce temps, au fond de la buanderie, un feu chauffait de l’eau dans une chaudière. Un tuyau de métal reliait le fond de la grande cuve à la chaudière. Alors un long et lent travail commençait. Ce travail s’appelait « promener la lessive ». A l’aide d’un seau muni d’un manche, le « pucheux », la laveuse prenait de l’eau dans la chaudière pour en arroser le linge de la cuve. L’eau chaude traversait le linge et regagnait la chaudière pour être réchauffée après avoir traversé la cendre. Ainsi, peu à peu, l’eau devenait lessive, le manège durait plusieurs heures et le linge devenait de plus en plus blanc
C’est alors qu’il fallait gagner le lavoir pour rincer la lessive. Le linge était transporté en brouette ou en charrette selon la quantité et la distance à parcourir. A l’eau claire de la rivière, sur la planche du lavoir le linge était rincé,frappé avec le « battoir », rincé à nouveau, mis à égoutter sur la grande barre, rangé dans des paniers pour rejoindre la maison. Il ne restait plus qu’à l’étendre pour le faire sécher au grand air.
Le lavoir était un lieu important de rencontres. Il servait d’agence locale d’information car les laveuses étaient porteuses de nouvelles. Elles se les partageaient et ainsi la rumeur gagnait tout le village.
Michel Pinchon